Historiquement, la loi de 1983 imposait à tout fonctionnaire de se consacrer entièrement et exclusivement à ses missions de service public. Pourtant, 25 ans plus tard, les règles se sont assouplies pour répondre à une demande, à un besoin, et à une modernisation nécessaire de la fonction publique. Le cumul d’activité a alors été rendu possible. Mais qu’en est-il de la création d’entreprise ? On vous éclaire.
Entre exclusivité et cumul d’emploi : Qu’impose et que permet le statut au fonctionnaire ?
Que dit le statut sur le sujet ? « L’agent public en activité consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ». Le principe est donc plutôt clair, la fonction publique impose l’exclusivité à ses agents. Toutefois, ce refus de principe a connu quelques assouplissements, principalement depuis 2009, avec la création du statut d’auto-entrepreneur. C’est alors qu’en 2010, environ 20 000 agents sur tout le territoire ont tenté leur chance en se lançant dans une activité parallèle. Parmi eux, majoritairement des catégories C, en recherche d’un complément salarial.
Malheureusement, cette ouverture inattendue a pu connaître quelques dérives. C’est alors que la loi de 2016 sur la déontologie du fonctionnaire a apporté un cadre bien plus restrictif au cumul d’activité, dès lors que celle-ci devient lucrative. En 2017, un décret est venu préciser les contours de cette loi et de ces nouvelles restrictions :
- L’agent qui exerce un emploi à temps complet et à temps incomplet à plus de 70 % ne peut pas créer ou reprendre une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, ni créer sa microentreprise;
- L’agent qui souhaite créer ou reprendre une entreprise ou une activité libérale doit demander à son administration l’autorisation d’exercer à temps partiel;
- Le temps partiel est accordé pour trois ans maximum, sous réserve des nécessités de service.
Les activités accessoires autorisées doivent être regroupées au sein de l’une de ces 5 catégories : l’enseignement, la formation, l’expertise, l’activité de conjoint collaborateur, ou l’aide à un proche.
La création d’entreprise : Une question de temps de travail
Le fonctionnaire est-il autorisé à créer une entreprise, tout en conservant son statut de fonctionnaire : Oui, et non. C’est en fait une question de temps de travail. Le fonctionnaire à plein temps, ne peut pas, en principe, créer ou reprendre une entreprise, ni même en être dirigeant ou participer aux organes de gestion de celle-ci. En principe, oui, car certaines activités sont tout de même tolérées en restant à temps plein :
- Les activités dites « de production d’œuvres de l’esprit », comme l’écriture de romans ou d’ouvrages en tout genre, l’enseignement privé par des cours du soir à domicile par exemple, etc.;
- Les activités de services à la personne, exercées sous le régime du microentreprenariat;
- La vente de biens fabriqués par l’agent sous le régime du microentreprenariat;
- L’enseignement et la formation;
- L’expertise ou la consultation auprès d’une structure privée qui soit compatible avec la fonction publique, autrement dit qui n’ait aucun rapport et aucun impact, de près ou de loin, avec la fonction publique, au risque d’entrer dans le registre du conflit d’intérêts;
- Les travaux de faible importance chez des particuliers.
Pour le reste, le fonctionnaire souhaitant créer ou reprendre une entreprise en conservant son statut devra être à temps partiel. Pour ce faire, deux solutions : Ou bien le fonctionnaire est déjà positionné sur un poste à temps non complet à 70 % ou moins, auquel cas il remplit les conditions exigées ; ou bien il est positionné sur un poste à temps complet, auquel cas l’accord de son employeur sous-tend également qu’il puisse basculer à temps partiel sur son poste, ce qui, précisons-le, est soumis à nécessité de service, sauf lorsqu’il s’agit d’un aménagement de son temps de travail pour élever ses enfants de moins de 3 ans.
Dans le cas du temps partiel autorisé, le fonctionnaire peut alors créer son entreprise, en respectant certaines conditions imposées. Il s’agit alors d’un cumul d’activité, qui sera rendu possible mais sur une durée limitée à 2 ans, renouvelable 1 an. A échéance, le fonctionnaire devra faire le choix de cesser son activité cumulée au profit de la fonction publique, ou bien de démissionner de celle-ci au profit de son entreprise créée. En clair, l’employeur laisse la possibilité à l’agent de s’essayer à une autre activité.
Précisons que s’il s’agit d’un fonctionnaire à temps non complet inférieur à 70 %, dont le poste ne nécessite donc pas une durée hebdomadaire de travail à 35 heures, soit équivalente à la durée légale de travail hebdomadaire, il peut alors créer ou reprendre une entreprise sans limitation de durée. Cela ne l’exonère pas de prendre l’avis de la commission de déontologie pour s’assurer de la compatibilité de son activité.
La procédure d’accord de cumul d’activité
Dans les deux cas (temps partiel ou temps non complet), le cumul d’activité sera rendu possible à condition que l’entreprise créée soit compatible avec les obligations de service du fonctionnaire, et qu’elle ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance et à la neutralité du service. Pour se voir obtenir l’accord de son employeur, le fonctionnaire doit l’en informer par écrit, idéalement 3 mois avant la création. Il doit être suffisamment clair sur la ou les activités de l’entreprise créée pour qu’aucun quiproquo et remise en question ne puisse surgir par la suite.
L’autorité administrative soumet alors la demande à la commission de déontologie, chargée de contrôler la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise, avec les fonctions publiques occupées par l’agent. Cette dernière émet alors un avis à l’autorité administrative sous 2 mois. Cette dernière pourra ensuite rendre son accord ou son refus, appuyée par les éléments remis par la commission de déontologie.
Vigilance au risque de conflit d’intérêts
Le conflit d’intérêts s’apparente à une forme d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés, qui peut alors influencer, ou paraître influencer, l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. Dès lors que l’individu concerné doit prendre une décision, il possède alors des intérêts privés dans cette décision, ce qui peut fausser son objectivité. Il existe trois types de conflit d’intérêts :
- Le conflit réel, où le fonctionnaire peut servir un intérêt personnel, aux dépens d’un autre intérêt public;
- Le conflit potentiel, où cette même situation pourrait se produire, mais qui ne s’est, pour l’heure, pas encore présentée, puisque l’agent n’a pas encore été concerné par une prise de décision qui pourrait mettre les intérêts précités en concurrence;
- Le conflit apparent, où, qu’il soit avéré ou non, l’opinion publique pourrait juger d’une décision comme d’un conflit réel.
Pour notre sujet, le risque de conflit d’intérêts réside dans le fait de créer une société qui pourrait venir concurrencer la mission qu’exerce l’agent ou les missions de la collectivité concernée, ou bien dans le fait que l’entreprise créée soit retenue pour réaliser une mission d’intérêt public.
La mise en disponibilité : Comment ça marche ?
La mise en disponibilité permet de cesser temporairement son activité dans la fonction publique pour faire face à certaines situations, comme élever un enfant, apporter des soins à un proche, faire le tour du monde, exercer un mandat électif, ou encore pour créer son entreprise. Elle peut intervenir après le temps partiel précité, si l’activité grandit et nécessite une meilleure disponibilité de l’agent, ou bien dès la création, pour s’y consacrer pleinement. Evidemment, la commission de déontologie doit valider l’activité, qui doit rester compatible avec l’exercice de ses fonctions au sein de la fonction publique. Qu’en est-il si la commission de déontologie juge l’activité incompatible ? Soit l’agent abandonne son projet, soit il souhaite aller au bout, et devra donc démissionner de la fonction publique pour pouvoir exercer cette nouvelle activité.
En disponibilité, l’agent continue à faire partie des effectifs de la fonction publique, mais il ne perçoit plus aucune rémunération de son administration durant la disponibilité. Puisqu’il s’agit d’une autorisation de l’administration à laisser l’agent « tenter sa chance » d’exercer une autre activité pour son propre compte, elle conserve une forme de droit de regard sur son activité. Aussi, l’agent conserve ses droits à avancement d’échelon et de grade, à la condition qu’il fournisse annuellement les revenus perçus sur sa nouvelle activité. En revanche, la période de disponibilité n’est pas prise en compte dans le calcul de la retraite de la fonction publique. Elle l’est bien-sûr dans celui de la nouvelle activité exercée.
La disponibilité est accordée sur une durée de 6 mois à 3 ans maximum, renouvelable 2 ans, donc pour une durée totale maximum de 5 ans. A cette échéance, l’agent devra démissionner de la fonction publique s’il souhaite poursuivre son activité entrepreneuriale, ou bien réintégrer la fonction publique et cesser son activité. Aussi, 3 mois avant la fin de la disponibilité, l’agent devra faire savoir à son employeur public, par courrier recommandé, ce qu’il souhaite faire. Dans le second cas, et après confirmation d’aptitude à la reprise, l’agent sera réintégré sur l’une des 3 premières vacances d’emploi correspondant à son grade, dans sa collectivité d’origine. En l’absence d’emploi vacant, l’agent est alors maintenu en disponibilité jusqu’à ce qu’un emploi correspondant à son grade soit vacant ou créé, donc sans rémunération. Il est également possible de postuler sur des postes au sein d’autres administrations. Précisons enfin que si l’agent refuse la 3ème vacance de poste proposée, il sera licencié de la fonction publique.